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Parole, mon logement social - Tomislav Dretar

Parole, mon logement social - Tomislav Dretar

15,00 €Prix

Poèmes, 2010

 

98 pages.

ISBN: 978-2-930333-34-2

15 EUR

 

Traduit du croate par

l'auteur et Gérard Adam

 

Les poèmes du présent recueil, pétris d’humour et de nostalgie, d’autodérision, de philosophie et d’amertume, sont l’œuvre de l’exilé venu d’un pays éclaté se réfugier dans un pays en perpétuelle menace d’éclatement et qui déambule dans les rues de Bruxelles, observant sa terre d’accueil avec reconnaissance et perplexité, ainsi que de l’ex-professeur d’université émargeant au CPAS avant de se faire jardinier puis de se reconvertir en ce qu’on nomme pudiquement “laborantin” ou “technicien de surface” à… l’Université Catholique de Louvain-la-Neuve.

 

Lien de l'ebook

Je suis allé à la ville de Bruxelles
Demander un logement social
Ils m’ont donné leur parole
Et depuis j’habite la parole
Mon logement social
Solide protecteur et gratuit
Qui me chauffe me protège de la pluie
Si vaste que toute ma famille
Avec plaisir y mange à la table humanitaire
De la capitale européenne
Admirant la beauté linguistique
De Bruxelles mon secret amour
Qui n’a pas assez de paroles
Pour loger nourrir gonfler d’espoir
Les vagabonds sans toit de la langue française
Créateurs de la plus rentable industrie céleste
Car au commencement n’était que la parole
Et je l’habite j’habite la parole
Des origines que Moïse
Nous a laissée en héritage
Je n’ai pas toujours cru ses dires
Qu’au commencement n’était que la parole
Et que j’en étais le profiteur
Mais à présent j’affirme qu'au commencement
Il n’est que la parole
Je vis en elle et elle est
Encore et toujours au commencement

 

*

 

SDF de la poésie belge

Bruciël tournoie comme dans le tonneau une goutte de bière
Je suis un SDF de la poésie belge 
Et ne puis donc légaliser mes paroles
Logement social de l’art poétique
Sur la liste policière des habitants
Lestes comme la pirouette d’une rivière ivre
Dans la lumière de la solitude

Je n’habite que le rythme
N’allume ma poitrine avide
Qu’aux seins de la jeune femme
Qui peuple les romans à 5 cents
Bon Dieu comme je voudrais lui faire danser l’amour
Ne fût-ce que d’une syllabe slave
Sans arracher nos pieds du sol
Nous volerions là-bas
Et sans réveiller les gouffres celtiques
Érigerions des menhirs dans nos coïts cathartiques

De plus je n’ai pas de chauffage central
Fonctionnant au pétrole arabe
J’illumine le ciel francophone d’iris croates
Et d’Uvae ursi folium 1
Le cœur ne peut se réchauffer
Aussi suis-je le seul occupant
De ce vieil autobus sans chauffeur ni passagers

 

*

 

Ultime paysage

Du val à la montagne le chemin longe la rivière
Avec lui je serpente dans broussailles ou sablières
Vers la lande proche où les spectres s’évanouissent
Et les pavots dominent l’enrouement du sumac

Le garçon qui m’accompagne et me guide tend l’index
À l’horizon devant nous vers la pente du ciel
Je manque de lumière pour éclairer le sol
Et trébuche sur une roche guettant dans la pénombre

Mon pas imprudent continue d’hésiter
Entre départ et retour sans le moindre but
Pas même comme il se doit au début du chemin
Sans soleil pour m’éclairer parmi les branches de myrrhe

Les douceurs de l’enfance quittées à jamais
Trop tôt se sont éteintes au carrefour du Foyer
De la voix de ma mère l’écho sonore et chaud
Plus jamais n’apaisera les orages de mon âme

Arrivant harassé au sommet de la montagne
Je m'arrête et de mon œil vieilli regarde ma vallée
Un dernier rayon d’enfance y pénètre en secret
Fond en une ombre ultime la vallée du souvenir
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