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Dossier CD-09/3756 - Dragana ČOVJEKOVIĆ

Dossier CD-09/3756 - Dragana ČOVJEKOVIĆ

16,00 €Prix

Ce livre a fait partie des 5 finalistes pour le prix Gros Sel 2008

 

roman, 2008
132 pages.
ISBN 978-2-930333-21-2
16,00 EUR

Les disputes communautaires belges ont « furtivement glissé vers la violence pour d’un seul coup y basculer ». En 2009, dans Bruxelles assiégée par « les fachos » qui ont pris le pouvoir en Flandre, une jeune fonctionnaire de la "Cellule Disparitions" est chargée de retrouver la trace d’un disparu, époux flamand d’une Bosnienne, elle-même rescapée d’un autre siège anachronique, celui de Sarajevo.
Une femme dont l’histoire ressemble étrangement à la sienne !
Au fil des rencontres – un « drôle de pistolet » invalide, une ex-chanteuse nonagénaire, un ex-gastronome-poète, un fonctionnaire onusien, un officier flamand défenseur de la ville – l’enquête devient le ferment d’une maturation. Comme le lui dira Shêrin, la chef de service à laquelle elle aimerait s’identifier : “Ces quelques mois t’en auront plus appris sur la vie que toute leur existence à la plupart des gens.”

Plutôt qu'un ouvrage de politique-fiction, ce premier roman, qui s'inscrit résolument dans une veine humaniste, voudrait exorciser une évolution dramatique de la situation belge, que nul ne semble envisager, mais dont l'Histoire récente nous démontre qu'elle peut survenir très vite.

 

Lien de l'ebook

Lotte avait dû se mettre au balcon pour guetter mon retour, elle m’attendait sur le palier, un long châle blanc sur les épaules. Elle m’a tendu un flacon d’eau de Cologne « Les Victoriennes ». J’ai voulu refuser, mais elle me l’a fourré en main. « Les jeunes filles aiment sentir bon, d’ailleurs ça ne me prive pas, j’en ai plein mes armoires. J’ai eu le malheur de dire un jour que j’aimais la marque et depuis, mes neveux et nièces, mes petits-neveux et nièces, et à la fin mes arrière-petits-neveux et nièces, m’en offrent invariablement à Noël. Même si je me parfumais comme une cocotte, il en restera plus qu’assez pour bourrer mon cercueil ».
– Qui vous parle de cercueil, Lotte. Vous nous enterrerez tous.
– Parce que tu t’imagines qu’à quatre-vingt-neuf ans ça m’amuserait de rester la dernière et de me taper six étages pour un bête morceau de pain que je n’ai pas de plaisir à manger ? Pouah ! Je prie chaque jour pour qu’un obus tombe sur ma vieille caboche, rataboum, d’un seul coup plus rien, je me réveille au milieu d’un chœur d’anges, Alléluia, Alléluia…
Elle a entonné l’Alléluia de Haendel. Sa voix était restée si pure que mes yeux se sont embués. Une fois de plus ! Faudrait vraiment que je me blinde ! Mais trop, et en trop peu de temps… !
À la vue de mes larmes, elle s’est arrêtée net, m’a serrée dans ses bras, Ne t’en fais pas, ma petite, ça va s’arranger, tu es jeune, la vie t’attend, une autoroute s’ouvre devant toi, et il n’y aura pas toujours ces crétins en embuscade. La vie ne te mène jamais où tu voudrais aller, mais rien ne t’empêche de goûter ce qu’elle te fait découvrir. J’ai déjà dû te le raconter cent fois mais tant pis, en quarante, quand les Boches sont arrivés, j’étais au conservatoire, on me prédisait une grande carrière. Pour ça, il aurait fallu chanter devant les Nazis… 
Elle a fait la grimace.
– Et quand on les a chassés, il y a eu les Américains, le jazz, un besoin fou de s’amuser. Je t’assure bien que là, question de m’amuser… Je ne regrette rien, quand je regarde en arrière ma vie me plaît telle qu’elle est… Ce sera pareil pour toi, ma fille, crois-moi, pareil…
Elle m’a embrassé les deux joues puis est rentrée, avec un dernier petit signe dans l’entrebâillement de la porte.

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