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J'ai immédiatement écouté les conseils de Dieu - Annie Préaux

J'ai immédiatement écouté les conseils de Dieu - Annie Préaux

14,00 €Prix
Roman, 2013

120 pages
ISBN: 978-2-930333-58-8
14 EUR


Vieille dame à demi impotente, Estelle vivote entre son chien empaillé, l’infirmière « Madame Derrière », Joël-le-kiné, Marcelline des « Amis de l’Entraide », le vieux Théodore, l’encore plus vieille Adèle, une caisse de livres et la télévision. Et surtout, sur l’ordinateur qu’on lui a offert, elle raconte son quotidien à son fils, journaliste et écrivain connu, qui ne vient jamais la voir.
Sa vie change avec l’arrivée de Jasmine, la nouvelle aide-ménagère, avec laquelle elle se met à partager ses lectures et des évènements tragiques. Peu à peu, en dépit de leurs divergences, voire de leurs affrontements, celle-ci capte toute son attention. Estelle s’invente alors le retour du fils prodigue pour lutter contre la montée des sentiments.
Jusqu’au coup de théâtre final…
« J’ai immédiatement écouté les conseils de Dieu » n’est pas le énième remake de « La vieille femme indigne ». C’est un roman juste et profond, qui dissimule sous une feinte causticité la tendresse dont l’auteur enveloppe ses personnages.

 

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J’écris l’histoire. C’est un policier.
Scénario simpliste : un voleur sonne à ma porte, je lui ouvre innocemment, il m’assomme, j’appuie, à moitié inconsciente sur le bouton couleur bordeaux qui pendouille au milieu de ma poitrine. (Pourquoi cette couleur ? Pour se consoler des petits verres qu’on ne peut plus boire, je suppose. Les industriels ont tous les trucs.) Une voix m’appelle aussitôt dans le haut-parleur du téléphone, me demande si ça va. Le bandit, imitant ma voix (il est vraiment doué) dit que oui, oui, j’ai appuyé par inadvertance. Le gars de la centrale n’y voit que du feu. Je tombe dans le coma. L’autre descend à la cave et trouve ma cachette, il fourre mon coffret à bijoux dans une de ses poches, puis il remonte et prend mon portefeuille dans le tiroir de la dresse. À ce moment-là, je me réveille plus ou moins. Et alors…
Version crapuleuse : il m’écrase la tête avec l’angelot en bronze qui trône sur la console du couloir. Je ne sais pas si je survis. Sans doute pas, ou encore plus mal qu’aujourd’hui.
Version perverse : il me viole en prenant son temps sur le divan du salon. C’est un amateur de vieilles dames.
Version deux fois perverse : il ouvre une de mes bouteilles de Saransot attrapée dans la cave et il se saoule, puis me viole quand même sur le divan. Ou pas, ça dépend de son degré de folie. De toute façon, je ne sens rien puisque je suis dans le coma. Et si je suis morte, c’est de la nécrophilie. Tu vois que question vocabulaire, je peux en remontrer à plus d’un.
Les sonneries m’empêchent de penser. Ou alors c’est cette histoire de nécrophilie. Je ne parviens pas à imaginer la suite. Je sombre dans la mauvaise humeur.

 

*


Je regarde la photo de quand tu étais petit. Une photo d’école où tu es souriant. Il y a tes yeux clairs et ton épi impossible. Ton pull à lignes que j’aimais bien. C’est mauvais pour moi de faire ça. Aussi, c’est la faute du livre de Yasmina Reza. Elle raconte des choses que j’ai vécues avec mon petit garçon : il me reconnaît de l’autre côté de la rue et il dévale le square Saint-Germain pour se jeter dans mes bras. C’est surtout l’autre page qui me tue : « Un jour, je ne pourrai plus tourner, ni t’avoir dans mes bras, bientôt tu seras trop lourd, trop grand, et tu ne courras plus… » Je n’arrive même pas à recopier la phrase tout entière.
Le pire, c’est que tu dois avoir lu ces lignes, puisque ce sont TES livres, là, au bout de mon corridor, entassés depuis des mois, peut-être davantage. Tu sais donc qu’une mère peut souffrir de ne pas pouvoir serrer son garçon dans ses bras. Parfois simplement de ne pas le voir. De ne pas entendre sa voix. Alors, à quoi bon t’écrire ? De toute façon, je me suis juré que je ne me plaindrais plus. Tant de femmes ont vu leurs enfants souffrir, être malades ou kidnappés, qu’aucune ne devrait se plaindre de quoi que ce soit d’autre. Ceci étant dit pour te prouver mon aptitude à la Raison raisonnable et à l’acceptation de la Vie, telle qu’elle est.
Rectification : quand j’y pense, je me sens quand même mal à propos de la Vie. Il y en a deux, de vies, tu sais : celle avec un grand V, qui vaut la peine, qui veut qu’on soit estimé de tous, honnête, brillant, glorieux, celle qui mérite tous les sacrifices, et puis l’autre. Eh bien, malgré tout, je ne suis pas prête à faire honneur à la première. Je préfère la vie avec un petit v, comme va comme je te pousse et viens manger des oeufs au lard. Celle qui passe sans qu’on s’en aperçoive et à laquelle on tient comme à une paire de pantoufles, bonnes à jeter. Oui, je préfère celle-là. Celle du temps où j’appréciais l’odeur du pain fraîchement livré et du café du matin sans même y penser..

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