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La fenêtre - Liliane SCHRAÛWEN

La fenêtre - Liliane SCHRAÛWEN

14,00 €Prix

Prix du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles

 

Roman, réédition, 2017
112 pages.
ISBN: ISBN : 978-2-8070-0122-0
14,00 EUR
978-2-8070-0123-7 (PDF) –  978-2-8070-0124-4 (ePub)

Une femme est assise devant un mur blanc. Elle se tait, elle attend. Que le temps passe, que la mort vienne, que le froid s’installe. En elle pourtant grouillent des choses du passé, vivantes, tièdes, terribles parfois. C’est la vie, cette vie dont elle ne veut plus et qu’elle a voulu fuir une fois pour toutes.
Mais où cela se passe-t-il ? Quel est donc cet univers où rien ne bouge sinon le souvenir, quelquefois, et le rêve ? Que fait-elle là, cette femme sans nom, devant le rectangle gris d’une fenêtre vide ?
Dehors, pourtant, il y a le soleil, le vent léger, et les cris des enfants.
Il suffirait peut-être d’ouvrir la fenêtre…
Publié pour la première fois en 1994, ce deuxième roman de l’auteur a obtenu le Prix littéraire du Parlement de la Communauté française de Belgique (Fédération Wallonie-Bruxelles). Il était introuvable suite à la disparition de ses deux premiers éditeurs.

 

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Maintenant, c’est le matin. Du moins, je crois bien que c’est le matin. Devant elle, il y a une journée sans but, plus désertique que la plage de son enfance, plus vide que la première page d’un cahier neuf.
Pourtant, je me souviens qu’il y a eu, à une époque, des tas de journées pleines, remplies à craquer de travaux, de repas à préparer, de lessives à terminer, d’enfants à habiller, à nourrir, à aimer… Quand était-ce ?
Il y avait une maison remplie de vie, de cris, de rires et de disputes. Il y avait sans cesse du bruit, des chansons, de la musique, des conversations. Il y avait tout plein d’enfants, trois, quatre, elle ne sait plus. Le temps était trop petit, les jours avaient trop peu d’heures et les heures trop peu de minutes, de secondes, pour venir à bout de toutes les tâches en attente. Elle était active alors, et même elle aimait cette agitation permanente, cette nécessité de passer sans cesse d’une occupation à une autre. Oui, elle aimait cela, je crois bien. Elle ne rêvait pas, ne songeait plus guère aux matins d’enfance que furtivement, devant les frimousses des petits, devant leurs regards comme en attente et qui se remplissaient si vite de joie ou de larmes…
L’enfance. La vie immense et inconnue, toute chargée de promesses tel le vent léger du soir, qui ride à peine l’eau du lac et se répand sur les jardins, tiède du parfum des fleurs exténuées. La petite fille adorait ce moment fugace et rapide où le monde respire et s’ébroue une dernière fois avant la profonde nuit tropicale, vibrante de bruissements et des senteurs de la terre qui s’endort.
Elle aimait aussi les matins rayonnants et déjà chauds, juste après le lever rose du soleil sur le grand lac laiteux rayé parfois du trait fin d’une pirogue de pêche. Elle s’étirait et regardait ce rose orangé et cette brume douce sur l’eau, elle était heureuse alors, sans le savoir, comme les bêtes assoupies qui remuent doucement. La tête pleine de rêves et d’histoires et d’horizons inconnus, elle attendait vaguement, sans savoir quoi, toute chaude encore de sommeil.
La vie. C’est la vie qu’elle attendait, comme font les enfants. Elle allait grandir, partir, voyager, aimer. Elle deviendrait une star de cinéma ou une exploratrice célèbre, les gens l’aimeraient, l’admireraient, et chaque instant de chacune de ses journées serait intense et vif, brillant comme le bonheur. Elle aurait des enfants, sûrement, avec qui elle jouerait au soleil des heures durant, sans jamais les gronder, sans laisser personne les frapper ou leur faire du mal.
Je me souviens de cela aussi, de cette plénitude dorée et de cette attente incertaine, de toutes ces aubes fondues en un seul matin, le premier du monde.

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