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Fenia, ou L’Acteur Errant dans un siècle égaré - Lew Bogdan

Fenia, ou L’Acteur Errant dans un siècle égaré - Lew Bogdan

30,00 €Prix
Roman – récit
Parution 20 février 2018

968 pages (24 x 17 cm)
SBN : 978-2-8070-0146-6 (livre) –  978-2-8070-0147-3 (PDF) –  978-2-8070-0148-0 (ePub)
30,00 EUR


la fin de XIXe siècle, les Doukhobors, secte chrétienne communiste et pacifiste, sont persécutés par le tsar. Lev Tolstoï finance leur émigration vers le Canada, qu’organise son disciple Leopold Soulerjitski. Lors d’une escale, une fillette égarée d’un autre exode est adoptée par l’infirmière du bord et prend le nom de Fenia Koralnik.
Pour échapper aux pogroms qui se multiplient, nombre de juifs fuient l’Empire russe. Parmi eux, Jacob « Yankele » Adler, le Grand Aigle du théâtre yiddish d’Odessa, qui s’en ira aux États-Unis constituer le socle de ce qui deviendra le théâtre de Broadway.
Constantin Stanislavski et Vladimir Nemirovitch Dantchenko ont fondé le Théâtre d’Art de Moscou, au rayonnement international. Mais à théâtre nouveau, il faut un acteur nouveau, répondant à des exigences professionnelles autant qu’éthiques. Ainsi naît le Premier Studio, sous la houlette de Stanislavski et Soulerjitski. Une épopée fabuleuse pour ces jeunes studistes, au nombre desquels Fenia Koralnik. Ils vont connaître les prémices de la célébrité, traverser la révolution de 1905, la Première Guerre mondiale et la Révolution d’Octobre, accrochés à leur idéal. Les uns resteront en URSS et subiront la glaciation stalinienne ; les autres entrelaceront leurs errances, Constantinople, Berlin, Paris, Londres, Riga ou Prague, souvent à la limite de la misère. Plusieurs émigreront aux États-Unis, où, à travers l’American Theatre Lab, le Group Theatre et l’Actors Studio, ils donneront naissance au prototype de l’acteur moderne et formeront nombre de monstres sacrés du théâtre et de l’écran.
L’auteur, à travers le regard de Fenia, retrace le parcours erratique des plus importants, Jacob Adler et sa fille Stella, Richard Boleslavski, Michaël Chekhov, Maria Ouspenskaïa… Nous croisons et recroisons Maxime Gorki, Isadora et Lisa Duncan, Evgueni Vakhtangov, Vsevolod Meyerhold, Lénine et son Commissaire à la Culture Lounatcharski, Olga Tschekowa, star adulée par les dirigeants nazis et sans doute espionne de Staline, Louis Jouvet, Max Reinhardt, Lee Strasberg, Bobby Lewis, Lev Theremin, génial inventeur de la musique électronique et « hôte » du premier cercle du goulag, Elia Kazan, Yul Brynner, Marlon Brando, Marilyn Monroe et bien d’autres…
D’Odessa à Broadway et Hollywood, une traversée épique du siècle et des continents, une lecture, par cet Acteur Nouveau, d’un monde et de ses utopies devenues souvent cauchemars. Une saga passionnante ; enrichissante aussi, tant l’idéal de ces acteurs et pédagogues tranche sur les aspects égotique et commercial qui d'ordinaire nous sont seuls présentés.

 

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Ils courent, ils courent les studistes ! Le matin, entraînement et exercices imaginés et développés par Soulerjitski, Vakhtangov et ceux qui veulent apporter leur pierre à l’édifice pédagogique. À midi, tous courent au Théâtre, à quelques centaines de mètres, pour les improvisations. Ils sautent souvent le déjeuner pour les répétitions des spectacles dans lesquels ils font de la figuration ou jouent de petits rôles. Et, le soir, ils participent ou assistent aux représentations. Mais ce qu’ils aiment par-dessus tout, c’est revenir dans « leur fantastique maison », la « maison de Souler », au chaud, entre eux. Alors, dès le spectacle achevé, souvent sans avoir fini de se démaquiller, ils enfilent un manteau par-dessus la tête et quittent la rue Kamergerski, où se trouve le Théâtre d’Art pour courir vers la rue Tverskaïa, fantômes de la nuit portés par leurs capes gonflées au vent d’hiver, sous les yeux ébahis des spectateurs qui sortent du Théâtre : « Ce sont des fous ! » entend-on sur leur passage. Un jour, un vieil homme lève les bras au ciel en leur demandant : « Mais par le diable, où courez-vous ?! » Et Evgueni Vakhtangov de répondre en haletant : « Je cours, je cours, vieux, où le diable me porte ! » Ils s’engouffrent au studio, bouclent la lourde porte, soufflent. Lida Deikoun a déjà préparé les butterbrod, canapés, avec du beurre, des œufs durs coupés en lamelles, des tranches de jambon ou de saucisse et des cornichons. Ils sirotent le thé brûlant en les avalant. Souler arrive, toujours gentiment râleur, à cause du retard, ou de telle petite chose qui lui déplaît. Et on se remet au travail, avec une énergie retrouvée, une confiance aveugle envers leur maître et guide. Souler s’assoit sur une chaise, une jambe repliée sous lui et, après quelques minutes, met le feu à leur imagination par des idées, des propositions d’exercices drôles ou sérieux, un foisonnement de couleurs et d’impulsions. Inépuisable, inénarrable. Eux se jettent dans le travail, oubliant le temps et le monde, s’efforçant de tenir à distance tout ce qui ne serait pas théâtre, avec cette foi brûlante en leur maître, dont ils sont convaincus qu’il les conduira, au travers de dédales encore mystérieux, vers de grandes découvertes. Ils sont gonflés d’orgueil et de passion, infatigables et patients, ivres d’audace comme les aventuriers d’un monde nouveau. Chaque jour est un nouveau défi et un nouveau passage initiatique. Stanislavski les a choisis et leur a fait confiance pour assurer la relève du Théâtre d’Art. Alors, quoi qu’il en coûte pour leur santé, il faut se montrer digne de cette confiance.

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