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Dans le Parc - Daniel Simon

Dans le Parc - Daniel Simon

16,00 €Prix

Textes brefs, 2011


148 pages.
ISBN: 978-2-930333-38-0
16 EUR


"Il se fait que j’habite près du parc Josaphat, un lieu magnifique, et que j’y croise été comme hivers des promeneurs de tous les horizons. De ce parc est née l’idée d’un parc plus large : le Parc humain. J’ai donc mis en chantier – une tâche qui s’est étendue sur quatre années – ces textes brefs, la plupart écrits dans une distance que permet la poésie.

J’écris sur un monde qui me dérange, un monde qui me met à mal, me rudoie par sa violence, la dégradation de sa culture (de ses cultures évidemment), la rudesse des rapports qui frise le déni permanent. J’écris à propos de ce monde qui est celui auquel je collabore, je l’habite, le vis, l’observe, je tente de le comprendre mais il n’est pas certain que je l’aime à chaque fois.

Cependant, il me faut reconnaître à quel point le paysage n’existe pour moi que s’il est habité par cette dégradation. Et ce paysage est piqué ça et là de beauté, de grandeur. Il faut bien observer mais elles sont là : beauté, grandeur, des efforts de chaque corps pour tenir debout ; beauté, grandeur, des modestes se faufilant comme ils peuvent dans les plis de plus en plus serrés d’un tissu social qui choisit le vulgaire au nom du populaire.

Dans le Parc a été aussi l’occasion de tenir une sorte de Journal de bord d’un homme qui a largement franchi les frontières naturelles de ses croyances. Pas de désillusion pourtant mais l’abordage poétique d’un réel rugissant, où la littérature essaye de tenir le vivant au centre de ce qui semble se défaire.

Que ce soit des poèmes, de petites proses, des récits poétiques, des monologues, les textes de Dans le Parc est aussi le Journal de voyage d’un homme qui vit dans une Belgique, lieu idéal pour comprendre le monde.
"

Daniel Simon, janvier 2011

 

Lien de l'ebook

Je travaille à ma table, il y a des fleurs au-delà, dans le parc où je vais trop rarement, des avions passent dans l’illusion du bleu, je les entends à peine que déjà le glissement de toutes ces choses arrive en moi, dans un ordre précis, les fleurs avant le ciel et l’avion sans le bleu, le parc tout autour de ma table et de la durée un instant, un furtif accord entre ma respiration, les arbres qui m’entourent et une tache de lumière sur le sol entre deux racines, sur le plancher encombré de livres et de dossiers à terminer, une goutte à peine, une piqûre par laquelle passent toutes les autres taches de ma chambre d’enfant, de l’hôpital où j’ai perdu les amygdales, du grenier quand Robinson se prépare à attendre, du livre où il se tapit, de la Semois, du Douro qui trempent leurs lumières dans l’eau verte, toutes les taches passent par cette pointe d’où fuit et se remplit le monde.
 

*


C'est peu de choses ce vent, la pluie, les nuages qui dévalent dans le cœur des hommes et leur hésitation sur le pas de la porte à franchir la frontière qui les disperse soudain un peu plus en dehors d'eux, ils quittent la chambre ou le salon où ils déposent leurs questions, des choses simples, comment vivre jusqu'à ce soir et que manger ou qui aimer pour tenir jusqu'à l'aube, ils marchent alors tout guillerets d'être portés par une sourdine qui traîne dans les rues et ne sera jamais le son de leur étourdissement d'être dans le vent, la pluie et les nuages qui s'éloignent sans qu'ils s'en aperçoivent tout employés qu'ils sont à redresser leur corps dans la lumière qui mord l'œil, le front, le peu de peau qu'ils livrent à l'emballement du jour et des hommes qui passent en emportant chacun un morceau de cette joie d'être embrassés par des souffles qui les rendent légers.
 

*


Il n’y a rien à faire cette nuit, le vent, la pluie et toutes ces choses qui font trembler la maison qui est le début de tout vocabulaire, il n’y a rien à faire, cette nuit s’est inclinée dans le souvenir récent de ceux qui n’ont plus que la nuit pour commencer l’apprentissage de leur abécédaire, il n’y a rien à faire cette nuit le ramadan tombait comme un voile sur des yeux tout empêchés de cette beauté terrible, dans le tissu le sang, le vice et la vertu, dans le tissu la faim, le sucre et la durée, dans le tissu le songe et le mensonge, dans le tissu des chaînes aux pieds des écoliers, dans le tissu des saisons qui ne comptent pas leurs heures, dans le tissu des femmes qui marchent dans le souvenir inquiet des noces à venir, il n’y a rien à faire cette nuit à peine les écrans, les danses et les chants ont-ils cessé de faire tourner leur cuiller dans la bouche des premiers que déjà le bonheur pose son front sur la table et attend le vigoureux tranché du boucher orphelin.

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